Le dimanche 19 avril, l'opéra Les pôles du Plan Sud a été créé à la Communauté juive libérale d'Amsterdam. La compositrice Caroline Ansink et le librettiste Olaf Mulder se sont basés sur les souvenirs de Daniël Vermeulen (pseudonyme) concernant sa clandestinité dans le Brabant et ses retrouvailles avec sa mère à Amsterdam en 1945. Trois questions à Caroline Ansink.
Pourquoi as-tu choisi ce sujet ?
Il s'agit d'une épitaphe personnelle pour le protagoniste avec lequel j'étais ami, mais qui est décédé depuis. Le livret a été écrit par un autre ami. Il s'agit d'un enfant qui a un an et demi lorsque la guerre commence et qui, à l'âge de deux ans, est placé dans une famille catholique du Brabant. En 1945, il retourne à Amsterdam alors qu'il a six ans. Son père est mort à Bergen Belsen, sa mère a survécu de justesse au camp et emménage dans une maison du Rivierenbuurt, alors appelé 'Plan Zuid'.
Le garçon ne reconnaît pas dans la dame décharnée celle qui lui a été arrachée à l'âge de deux ans et qui prétend aujourd'hui être sa "vraie mère". Il a même peur d'elle et ne comprend rien aux coutumes juives qu'elle lui impose. Dans la clandestinité, il s'est imprégné des coutumes catholiques et parle même avec un accent brabançon. Il comprend à peine sa mère polonaise, car elle ne parle que très peu le néerlandais. Ce qui aurait dû être d'heureuses retrouvailles, il le vit comme un enlèvement au paradis.
Il en résulte une atmosphère étouffante, dans laquelle l'enfant devient de plus en plus frustré et en veut fortement à sa mère et aux autres membres de la famille, qui refusent obstinément de s'assimiler. Vers la fin de sa vie, il fait table rase de ses frustrations, portant sur l'incapacité humaine un regard acéré, parfois vicieux, mais le plus souvent aussi compréhensif et plein d'humour. Rétrospectivement, il comprend à quel point sa mère était abîmée, ce qui l'a amenée à veiller anxieusement sur sa judéité, craignant le monde des "goys" qui l'avaient persécutée sans pitié.
Qu'est-ce qui t'attire dans ce thème ?
L'histoire du déplacement, du retour et de l'aliénation est universelle parce qu'elle touche tant d'autres personnes. De plus, il s'agit aussi de la maternité, de la connexion et du lâcher-prise, et du thème universel qui consiste à toujours essayer de trouver la lumière, même dans les ténèbres les plus profondes. Le récit de la mère de la protagoniste est une sorte de résumé des histoires de mes grands-mères. Toutes deux étaient veuves, l'une a traîné ses deux filles dans le camp, l'autre s'est retrouvée avec un petit garçon (mon père). Et puis il y a le silence de l'après-guerre, qui faisait que les enfants ne savaient pas à quoi s'en tenir, et l'accablant "ne revenez pas".
Comment as-tu développé l'opéra, te réfères-tu à la musique yiddish, aux œuvres de compositeurs juifs ?
Comme le sujet est très personnel et intime pour moi, j'ai choisi un opéra de chambre à petite échelle, avec trois chanteurs et quatre instrumentistes. La mise en scène est également sobre et nous jouons dans de petites salles. Je n'ai pas utilisé de citations littérales de compositeurs juifs et je ne fais référence à la musique yiddish qu'en passant. La confusion du garçon revient dans la forme. Le présent et le passé culbutent l'un sur l'autre : les deux chanteurs et la chanteuse changent constamment de rôle, même au sein du même personnage. Dans ma musique, j'essaie d'exprimer les couches plus profondes de tous ces sentiments confus, qui bouillonnent sous la surface.