C'est un peu aliénant. À l'IDFA, le récit mouvementé de la révolution égyptienne de février. Tahrir 2011 voir alors qu'au même moment, sur la place Tahrir, la deuxième phase de résistance à la dictature bat son plein. Une sorte de sentiment de "retour vers le futur".
Tahrir 2011 est un documentaire relativement peu soigné mais monté dans l'urgence, qui est néanmoins plus qu'un simple montage d'images tournées avec des téléphones portables sur les événements parfois sanglants. En effet, le documentaire réalisé par trois réalisateurs (Tamer Ezzat, Ayten Amin et Amr Salama) est... Tahrir 2011 un amalgame de trois films distincts. La première partie est en effet ce à quoi tu peux t'attendre, mais elle n'en est pas moins palpitante pour autant. Des témoignages émouvants coupent avec beaucoup de rythme et de dynamisme les émeutes sur la place - des impressionnantes rangées de manifestants dignes qui scandent leurs slogans pour une Égypte libre aux jeunes qui tentent en vain d'arrêter un canon à eau, en passant par des images brutes de l'accueil des blessés dans un hôpital d'urgence équipé à la hâte. Tout cela est beaucoup plus proche que dans les images d'actualité habituelles.
La deuxième partie est la plus révélatrice, car elle consiste en des interviews de membres de la police et des forces de sécurité déployées contre les manifestants, parfois filmés de façon méconnaissable. Certains en profitent pour déclarer qu'ils se sont sentis maltraités. Le prélude à l'affrontement fait l'objet de la troisième partie, dans laquelle des initiés décrivent les méthodes par lesquelles le président Moubarak est parvenu à établir son règne autocratique. Avec de nombreux documents d'archives éloquents, y compris des exemples de manipulation de photos d'actualité. Comme celle de la visite d'Obama. Sur le cliché original, le président américain est en tête, une erreur que les photoshoppeurs de Moubarak ont rapidement réussi à corriger. Sur la photo corrigée, c'est Moubarak qui est en tête.
Le printemps arabe n'est en fait que très peu représenté à l'IDFA. Cela s'explique, selon le directeur du festival Ally Derks, par le fait que la plupart des films n'ont pas dépassé le niveau d'un reportage. Un seul autre film égyptien figure dans la liste des titres du festival. Le court métrage Excursions dans l'obscurité de Kaya Behkalam est aussi une sorte de rétrospective des événements de février, mais d'une toute autre manière. Plutôt un poème cinématographique expérimental qu'un documentaire traditionnel. Des images de rues vides et nocturnes du Caire, accompagnées d'un texte mystérieux qui, selon le générique, est composé de rêves que les habitants du Caire ont eus après le soulèvement. En fait, c'est plutôt encourageant que quelque chose comme ça soit fait.
Leo Bankersen