Le Festival Rumor 80, qui se tient régulièrement à Utrecht dans trois lieux différents à chaque fois, présentera la nouvelle œuvre du chorégraphe Marc Vanrunxt ce vendredi au Theater Kikker : Réel, si réel. Le point de départ est Trois voixune composition de Morton Feldman datant de 1982. Une merveilleuse collaboration flamande entre Art/Work et ChampdAction.
La danseuse Marie De Corte et la chanteuse Els Mondelaers brillent de mille feux. Réel, si réel. Les deux femmes ont chacune une tâche complexe à accomplir dans ce spectacle très particulier. Feldman empile les voix dans Trois voixdans un chœur fragile d'enregistrements et de chants en direct. Le chorégraphe Marc Vanrunxt place une autre femme dans ce monde ténu et parfois glacial, la danseuse terrienne et indisciplinée Marie De Corte.
Dans une concentration suprême, Els Mondelaers construit un monde de déploiement et d'arrêt, de relations sonores et temporelles. Au milieu du spectacle, elle n'est souvent qu'une voix. De Corte passe au travers. Sur d'immenses talons ou pieds nus, elle sait se frayer un chemin parmi la nature insistante et pénétrante de la musique.
Feldman a écrit Trois voix comme Memento Mori pour le poète Frank O'Hara et le peintre Philip Guston. L'effondrement des structures et la dissolution de la forme dans la matière pure sont éclairés ici et là par des moments presque lyriques, avec deux citations d'un poème d'O'Hara jouant un rôle majeur : "Who'd have thought / that snow falls" (Qui aurait pensé / que la neige tombe) et "nothing ever fell" (Rien n'est jamais tombé).
La démarche de De Corte sur scène semble décrire une contemplation presque ordonnée de la mort. Ses mouvements sont retenus et concrets, dans un rapport extrêmement sensible à la musique. La contemplation et l'autoréflexion sont liées à des tentatives toujours nouvelles de s'abandonner à l'inimaginable.
Le chorégraphe Marc Vanrunxt, qui a déjà travaillé à maintes reprises avec la musique de Feldman, a donné au décor un caractère décontracté, voire lumineux. Cela rend le sérieux de la composition un peu moins inquiétant. La lourdeur d'un drap blanc nous rappelle le caractère concret de la mort, un aspect qui ne peut être rendu par des sons éthérés. L'ampoule rouge au-dessus et la ligne bleue autour du plancher de jeu délimitent formellement les fonctions de l'installation théâtrale - l'enregistrement commence ici, le plancher commence ici - mais rappellent aussi par leurs couleurs la fête qui suivra, lorsque la mort sera terminée et que le souvenir pourra commencer. Et il y a une robe, comme toujours chez Vanrunxt.
De l'impressionnant Trois voix parle d'une certaine immobilité. La férocité de la mort semble déjà acquise. Une vibration plus profonde, plus ancienne ou peut-être éternelle semble être décrite. Marie De Corte ne se contente pas de se fondre dans le décor ou de le suivre. Vanrunxt lui a donné un rôle très humain, puissant et vulnérable. Jamais rien de triomphant ne se dégage de ses mouvements. J'ai rarement vu un duo aussi vivant sur un sujet aussi insaisissable que la mort.
Le poème Le vent Par Frank O'Hara.
Également dans cet épisode de la Rumeur : le multi-instrumentiste danois Frisk Frugt dans l'ACU et dans la RASA Fred Frith apprenti Ava Mendoza avec un groupe tout droit sorti de Brooklyn.
Pour plus d'informations : Rumeur, Art/travail, ChampdAction. Billets via Grenouille de théâtre.