Initiée par Pierre Audi en 2016, la Festival Opera Forward s'interroge sur l'avenir du théâtre musical. Le festival de 13 jours offre aux (jeunes) réalisateurs et chanteurs une chance d'explorer de nouvelles voies. Pour la deuxième édition, c'est Audi lui-même qui a dirigé Et tu dois souffrirune version théâtrale et musicale de l'œuvre de Bach Passion selon saint Jean. Cette production du Muziektheater Transparant et de l'ensemble de musique ancienne B'Roque a été présentée en première néerlandaise au Muziekgebouw aan 't IJ le mardi 28 mars. La représentation a été récompensée par des applaudissements enthousiastes.
Faux
Avec son espacement inventif, Audi rend le drame de Jésus-Christ palpable. Les chanteurs de Cappella Amsterdam se regroupent de façon menaçante autour de lui alors qu'ils demandent à Ponce Pilate de le mettre à mort. Debout sur une estrade, le Christ entend leurs accusations. Lorsque Pilate change de tactique et le fait flageller, il grimace de douleur, après quoi le chœur lui tend faiblement les mains. Après sa crucifixion, les chanteurs quittent la scène, honteux, en chantant "Ich will dich preisen ewiglich".
Avec autant de suffisance, ils ont émergé dans l'obscurité totale pendant le prologue composé par Annelies van Parys. En Et tu dois souffrir Elle imprègne les lignes mélodiques de type grégorien d'exclamations stridentes et dissonantes du chœur : doom naked. Elle entrelace subtilement des motifs de Bach avec son propre morceau, qu'elle fusionne parfaitement avec le morceau de Bach. Passion selon saint Jean.
Chanteurs et musiciens exceptionnels
La concentration des chanteurs de Cappella Amsterdam est exemplaire. Pendant plus de deux heures, ils se déplacent sur la scène en changeant constamment de formation et en adoptant diverses postures. Pourtant, ils chantent tout par cœur, sans faille et en parfaite harmonie avec les tout aussi excellents musiciens de B'Roque. Ces derniers sont disposés à gauche et à droite du chef d'orchestre Andreas Spering. Avec des gestes souples mais décidés, il conduit les interprètes à travers la musique variée et colorée de Bach. Des passages doux et feutrés d'instruments individuels côtoient des tutti bruyants et effrayants au rythme endiablé.
Jésus vulnérable mais fier
Jakob Pilgram est un évangéliste convaincant. Son ténor, semblable à un clairon, atteint les coins les plus reculés de la salle et il semble véritablement impliqué dans ce qu'il chante. L'imposant Dominik Köninger est un Jésus tout aussi vulnérable et fier. Avec son baryton chaleureux et ses expressions faciales pénétrantes, il dénonce l'hypocrisie de ses agresseurs. Le ténor Magnus Staveland joue son rôle de Pierre hésitant avec verve. Avec sa stature voûtée et son sweat à capuche tiré nerveusement sur son visage, il renie son ami à trois reprises.
La basse Tomás Král est tout aussi impressionnante, car dans le rôle de Pilate, elle semble vraiment consternée par l'injustice faite au Christ. La soprano Grace Davidson a une belle voix légère, qui devient cependant progressivement plus incertaine. L'alto Benno Schachtner commence également de manière convaincante, mais sa voix s'élève parfois de manière incontrôlée dans les moments d'émotion.
Plan d'éclairage exemplaire
Le plan d'éclairage exemplaire de Peter Quasters, avec une alternance de clairs-obscurs et de contrastes forts, rend l'histoire encore plus poignante. Les images vidéo de Mirjam Devriendt et Vincent Dunoyer ajoutent une couche supplémentaire. Des branches d'olivier dénudées illustrent la solitude du Christ, une main tendue derrière lui au ralenti montre à quel point son destin est entre les mains d'autres personnes. Les images de la restauration du panneau montrées à la fin de l'exposition. Le Christ sur la croix de Rogier van der Weyden sont trop explicites et détournent l'attention de la musique.
Politiquement correct
Après le premier mouvement, l'écran vidéo devient jaune ocre. Nous nous imaginons dans un désert de sable, tandis que la musique nouvellement composée L'Apokalypse Arabe de Samir Odeh-Tamini. Des chuchotements angoissés et des harmonies déchirantes du chœur, des grattements au clavecin et des lignes de cordes allongées créent une atmosphère inquiétante. La vidéo montre des images teintées de rouge de villes détruites accompagnant les mots "7 000 Arabes ont été assommés, aveuglés". Il s'agit d'une Fremdkörper et est un peu trop politiquement correct. L'épilogue court et dissonant d'Annelies van Parys se heurte également au chant final consolateur de Bach.
Préfère de toute façon le concertant
Audi a imaginé Et tu dois souffrir a démontré qu'une passion a un potentiel musical et théâtral. Mais malgré une excellente interprétation et une mise en scène attrayante, l'ennui a frappé au bout d'une heure et demie. Le principe Montre, ne dis pas sur lequel le véritable opéra prospère, a complètement dépassé Bach. La construction d'un narrateur (l'évangéliste) qui parle des scènes ensemble est artificielle et enlève l'élan de la représentation. Cela complique également l'identification avec les personnages.
Ainsi, bien que l'expérience ait été réussie, au final, une représentation en concert me semble plus convaincante.
Vu le 28-3-2017, Muziekgebouw aan 't IJ. Encore à voir là-bas le 29-3-2017. Infos et playlist via ce lien.
Les 15 et 16 avril 2018, la production sera à nouveau jouée au. Opéra de Rouen.