Il n'est pas facile de visiter sans crainte un opéra présenté comme une étonnante pièce de critique sociale contemporaine. Surtout lorsqu'il suscite des réactions aussi totalement différentes. Certains appellent Le nouveau prince Un opéra dans la veine de notre époque" (Mischa Spel, NRC), un autre donne "un gros insuffisant" (Erik Voermans, Het Parool). Un autre a besoin de plus de "couches textuelles et de moins de clichés musicaux" (Peter van der Lint, Trouw). Un autre encore le qualifie de L'opéra-spectacle qui ne laisse rien à ton imagination (Henri Drost, Theaterkrant).
Ouf !
Je vais commencer par le début. Le compositeur arabo-américain Mohammed Fairouz (né en 1985) a composé Le nouveau prince par ordre du Festival Opera Forward. Le livret a été écrit par David Ignatius, chroniqueur au New York Times. Qui est basé sur le livre Il principe de Niccolò Machiavelli datant de 1532, qui dissèque les machinations du pouvoir.
Chewing-gum dans la loge du maire
Ignatius dépeint Machiavel comme une personne vivante, appelée à son secours par le président pop star Wu Virtu en 2032 alors que sa position vacille. Virtu est à la tête de l'empire Amerasiopia et s'inspire de Kim Jong-un, l'actuel dirigeant de la Corée du Nord. Mâchant un chewing-gum, il regarde la scène du Stadsschouwburg d'Amsterdam depuis la loge du maire. La basse sud-coréenne Simon Lim a l'air arrogant qui convient et une bonne voix, mais son anglais est mauvais et presque inintelligible.
S'ennuyant, il passe en revue les choses à faire et surtout à ne pas faire pour un dirigeant prospère que lui a présentées Machiavel (le très convaincant baryton Joshua Hopkins). Avec l'aide de son coauteur Henry Kissinger (joliment interprété avec autodérision par Marc Kudisch), il travaille sur une nouvelle version de l'ouvrage. Il principe. Sa protectrice est Lady Fortuna (une Karin Strobos ignoble et lourdement enceinte), qui joue également le rôle de déclarant de ses axiomes. Un défilé hétéroclite de dictateurs - de Savonarole à Hitler et de Mao Tse-Tung à Moubarak - illustre "pourquoi les monarques devraient se méfier de la révolution".
Bill Clinton et Monica Lewinsky avec un cigare
Des scènes de sexe explicites - notamment Bill Clinton avec un cigare et Monica Lewinsky (une Nora Fischer en chaleur) - montrent qu'en tant que dirigeant, tu dois réfréner tes pulsions. Un "choc des civilisations" doit également être évité. Oussama ben Laden et Dick Cheney descendent simultanément un escalier de spectacle en chantant chacun leur droit.
Wu Virtu n'est que modérément intéressé par les enseignements de Machiavel. Mais lorsque son peuple se révolte, il parvient astucieusement à retourner leur colère contre lui. Battu noir sur blanc, Machiavel, accompagné de Fortuna, décide de se retirer dans sa vie d'écrivain.
Excès
La réalisatrice Lotte de Beer associe l'excès de personnages et d'événements à un bombardement d'images. Le spectacle est spectaculaire, avec des changements de costumes d'une rapidité vertigineuse et des décors impressionnants. De Beer ajoute une actualité supplémentaire au livret prétentieux et totalement dépourvu de drame. Donald Trump et Hilary Clinton se disputent un globe terrestre. Lorsqu'il le lui arrache brutalement des mains, un chœur portant des masques de Trump apparaît derrière lui. En effet, rien n'est laissé à notre imagination.
Pastiche
L'opéra n'est pas aidé par la musique de Fairouz, interprétée de façon désordonnée par le Residentie Orkest. Il s'agit d'un grand pastiche grandiloquent. Carl Orff, Leonard Bernstein, John Adams, la musique folklorique américaine, le bel canto italien, le chant grégorien, le jazz, tout y passe. Tout cela est accrocheur et les rythmes martelés sont entraînants, mais cela manque d'individualité et de défi. Trop lisse pour l'opéra, trop peu sophistiqué pour la comédie musicale.
Bref, un gros insuffisant de ma part aussi.
Vu : le 29 mars 2017, au Stadsschouwburg d'Amsterdam. Encore à voir sur place le 31 mars. Infos et cartes.