Dans le sombre Moyen Âge, il arrivait encore qu'un artiste soit écartelé pour avoir dépassé les bornes. Au 19e siècle, ces lignes n'avaient plus d'importance. Au début du 20e siècle, les artistes ont commencé à décider eux-mêmes où se trouvaient les lignes et ont puni ceux qui ne s'y tenaient pas. C'est l'époque des manifestes d'artistes.
Cate Blanchett, la meilleure actrice australienne que certains ne connaissent que comme elfe dans Le Seigneur des Anneaux, peut désormais être vue sur treize écrans à la fois dans Manifesto. Un spectacle en cours au Holland Festival. Et tous les fans devraient aller le voir. Même si les paroles parlent de l'art et de ce qu'il peut, peut et surtout doit faire.
Bon cœur
Pour être clair, le Holland Festival a depuis longtemps cessé d'être prestigieux et inaccessible. Il l'a déjà été. Grâce à Ruth Mackenzie, la directrice artistique anglaise, depuis quelques années, c'est juste beau, bon, féroce et parfois totalement incompréhensible, mais tout cela vient d'un bon cœur. Théâtre punk et théâtre populaire, tout est possible. Et maintenant, donc, Cate Blanchett.
Cate Blanchett a été sollicitée par le vidéaste Julian Rosenfeldt pour un projet dans lequel il a rassemblé à peu près tous les manifestes d'artistes des 120 dernières années. Les artistes, a-t-il expliqué lors de l'inauguration de son projet samedi, sont des penseurs transversaux qui peuvent parfois s'asseoir parfaitement sur l'air du temps. Des credos d'artistes datant de 1932 semblent tout à coup passionnément contemporains, comme s'ils avaient pu être écrits hier. Et parfois, ils sonnent aussi comme s'ils étaient ridicules à l'époque.
Apparence
Tout cela est possible parce que le travail du vidéaste est d'une qualité extrêmement élevée, mais c'est encore plus possible parce qu'il donne à Cate Blanchett un rôle principal dans tous les films, ce qu'ils sont. Elle a un présenceElle a une aura pour laquelle on voyagerait volontiers à l'autre bout du monde. Avec Julian Rosenfeldt, elle a donné aux manifestes qu'elle cite une relativisation tranchante. Parfois, il s'agit de bois épais, comme un manifeste sur l'architecture prononcé par Blanchett alors qu'elle joue un grutier dans un incinérateur de déchets.
Malgré, ou plutôt grâce à toute cette relatabilité, le total de 13 méga-vidéos apparaît comme extraordinairement impressionnant. Il ne s'agit pas non plus de savoir si tu comprends, ou même si tu saisis, toutes les paroles. Il suffit de savoir qu'il s'agit de l'avenir, de l'espoir ou du désespoir. Il s'agit surtout de ce que nous nous sommes crié pendant toutes ces années sur ce que l'avenir devrait être. Ou devenir. Et qu'à un moment donné, tu comprends que nous avons aussi pensé, il y a cent ans, que l'Occident était à sa fin, ou qu'une nouvelle ère fantastique était sur le point d'éclater.
Et c'est donc Cate Blanchett qui parvient à tout réunir. Jusqu'aux pores de la peau.