Lors de la prochaine édition de Writers Unlimited/Winternachten à La Haye, deux écrivains qui font parler d'eux avec leur travail et leur succès seront de passage. Fatma AydemirLe journaliste berlinois a écrit avec "...Coudes' un premier roman abrasif sur une jeune fille turque qui est un peu moins préparée à son avenir qu'on ne le souhaiterait. L'auteure parisienne Leila Slimani a remporté le prix 2016 Prix Goncourt avec elle roman 'Une main douce'. Elle y décrit comment une puéricultrice finit par infantiliser les enfants dont elle a la charge.
Des thèmes plutôt intenses pour ces deux livres. Ce qui les rend tous deux encore plus intéressants, c'est la façon dont ils traitent les relations entre les différents groupes ethniques. Aydemir écrit du point de vue d'une adolescente turque, qui doit survivre dans un monde défini par les origines et la ségrégation, auto-sélectionnée ou non. Elle devient presque nonchalamment un agresseur lorsqu'un étudiant ivre la défie, et qu'elle le pousse à moitié accidentellement devant un métro qui arrive. L'auteur de Slimani est une Française blonde, les victimes sont des Français aisés d'origine marocaine.
Sensibilités
Écrire sur les enfants migrants déraillés est délicat, surtout quand, dans toute leur maladresse, ils ne figurent pas vraiment de façon positive non plus. Lorsqu'un auteur masculin ashkénaze 'CoudesSi tu n'as pas été en mesure de le faire, cela aurait pu causer pas mal de problèmes. Qu'Aydemir le fasse est donc d'autant plus frappant, d'autant qu'elle aborde le sujet de manière assez agressive. Aydemir ne cautionne rien du tout.
La colère qu'elle attribue à son personnage principal Hazal semble également être le moteur de l'écriture. L'auteur se met en colère contre la position des filles dans les familles traditionnellement turques. Mais elle s'énerve aussi contre les adolescents indifférents qui ne savent plus rien du monde qui les entoure. Le président turc Erdogan n'est pas vraiment dépeint de façon agréable et le personnage principal lui-même, grâce à son manque d'empathie, n'est pas vraiment agréable à côtoyer trop longtemps. Lorsque tu la quittes en tant que lectrice à la fin du livre, tu ne peux lui trouver que très peu de sympathie.
Lutte des classes
Dans le roman de Leila Slimani, l'ethnicité joue un rôle beaucoup moins important. La différence entre les parents qui ont "réussi" leur vie et la nounou est principalement déterminée par la position sociale, et le meurtre par lequel le livre commence et se termine n'a pas de motif raciste évident.Pourtant, le thème entre en jeu, ne serait-ce que parce qu'on ne voit pas si souvent des couples marocains à succès comme personnage principal d'un roman, et un personnage généralement privilégié, blond et blanc, dans un second rôle maléfique. Selon Slimani, ce n'est pas un choix conscient, mais c'est précisément pour cela, dans cette absence de volonté de se démarquer, qu'il se distingue.
Hors des rues
Après avoir lu les deux livres l'un après l'autre, je me suis rendu compte à quel point il est bon que les deux auteurs réussissent à décrire un aspect jusqu'ici peu exposé, ou plus souvent exposé de manière unilatérale, de notre société des grandes villes. Nous voyons bien les filles cool, les enfants de migrants qui nous tiennent à distance autant que nous les tenons à distance. Nous pouvons, grâce à Fatma Aydemir, jeter un coup d'œil dans leur regard. Nous pouvons donc aussi éprouver de l'empathie pour ce que c'est que de grandir en tant que jeune femme dans un environnement traditionnellement turc à Berlin. Sans être obligée de s'apitoyer sur son sort. Quelque chose qui manque également dans le monde totalement ordinaire, mais légèrement différent, de Slimani.
En effet, parfois, tu n'as pas besoin d'apprendre les rues du monde, mais un livre suffit. Deux livres, dans ce cas.
Fatma Aydemir raconte le 20 janvier pendant Saturday Night Unlimited à Winternachten à La Haye sur le livre qui a changé sa vie.
Leila Slimani actes pendant le festival. L'heure exacte n'est pas encore connue.