Est-elle sur un podium d'honneur ou sur un échafaud ? Jeanne d'Arc tient un monologue. Elle crie ses paroles. Le rythme de la musique propulse une atmosphère inquiétante dans la pièce. Sur le sol, cinq danseurs font des mouvements résolus. Dans une longue série de déclarations et d'aveux, Jeanne dit ce qui l'a poussée à chercher le champ de bataille. Et plus encore. Toute la recherche de sa position dans cette vie dessine le passé. Sa lutte avec un monde qui la défie et la rejette, un monde contre lequel elle se heurte et se heurte. Un monde qui l'oblige à crier. Et qui la renvoie à sa solitude. Dans son monde intérieur, où elle est aimée par quelque chose d'aussi petit qu'un paon de jour, un papillon qui ne se pose aucune question sur son existence et qui survit à l'hiver dans toute sa tendresse.
Nighthexes 1 : Joan' de Jens van Daele traite des héros féminins et couvre six siècles de courage féminin. La Jeanne d'Arc du XVe siècle partage le champ de bataille avec des danseuses faisant référence aux femmes pilotes russes de la Seconde Guerre mondiale. Ces héroïnes ont contribué de manière significative à la victoire sur les nazis. La danse, le texte, la musique et la lumière s'entremêlent pour former une pièce de théâtre unique.
Abandon physique
L'abandon physique avec lequel Hanne Struyf jette son texte dans l'espace sans compromis vous entraîne dans la lutte intérieure de Jeanne. Grâce à son jeu puissant, le texte vertigineux pulse au moins aussi fort que la musique effroyablement bruyante. Le flot de mots ouvre un vaste espace. Des émotions et des pensées tourbillonnantes. Reprends-toi. La vie de Jeanne d'Arc est un drame qui ne connaît pas de frein.
Le rythme s'impose aux cinq danseurs. De belles et frêles figures, mais combatives et sûres d'elles. Ils dansent simultanément ou alternativement. Des images de lumière et de projection les engloutissent. Merveilleux comme la lumière du début qui tranche l'obscurité comme un couteau. Plus tard, des images de projection défilent. Des nuages chassés par le vent. Une mer qui s'agite sous les pieds, espérant enfin trouver la paix sur la plage.
Au travers de toi
La musique se fraye un chemin à travers toi. Au début, cela me met mal à l'aise. Mais peu à peu, elle m'entraîne. Les vibrations me mettent physiquement à cran. Je pense aux ondes sonores menaçantes d'un bombardement lointain, mais aussi à une force intérieure motrice qui éveille en toi le désir de te battre. La force rayonne des femmes, mais surtout la pulsion, l'abandon à ce qui les anime intérieurement.
Des émotions proches de toi
Ce qui est surprenant, c'est que même si tout est grand et puissant, toujours le petit, le vulnérable se glisse entre les remous. Peut-être qu'un peu de tristesse est le commencement de tout", c'est l'une des phrases émouvantes de Jeanne d'Arc. Douceur, légèreté, envie d'être ensemble : ce sont des émotions si proches de toi. Mais maintenant, elles résonnent dans la bouche d'un voleur de ciel, de quelqu'un que tu admires avec crainte. Et avec qui tu te demandes constamment : ce qu'elle a fait était-il bon ou terrible ? Cela te donne la chair de poule quand tu penses à ces petites émotions intimes.
Je reconnais aussi de petites émotions chez les danseurs, un engagement mutuel que je peux ressentir directement avec eux. L'humanité face à la dureté inhumaine que les circonstances exigent d'eux. Dans une danse de groupe, ils passent de l'un à l'autre. Une riche succession de moments de contact. Des gestes tendres, calmes, intimes, attentifs. Ce sont des traits de caractère doux, qui n'en diminuent pas pour autant la puissance.
Voir aussi mon entretien avec Jens van Daele :
Jens van Daele : "Le pouvoir des femmes est plus grand que celui des hommes".