L'écriture et la lecture, comme le sexe, sont une forme de fusion. La littérature est la pratique de l'impureté". L'auteur pakistano-américain Mohsin Hamid sait formuler. Dans son discours "Free the Word" prononcé lors de l'ouverture des Winternachten à La Haye, l'homme qui, avec les La chute d'un fondamentaliste a écrit un best-seller international, se faisant le champion de l'impureté. La pureté", a-t-il déclaré au public littéraire rassemblé, "déchire plutôt qu'elle ne relie. C'est précisément en admettant l'impureté que tout organisme, et donc toute société, se développe".
Des paroles vraies, magnifiquement exprimées, et nécessaires aussi, car le monde semble en proie à des mouvements de pureté. Le fondamentalisme islamique au Moyen-Orient, les nationalistes en Europe occidentale et aux États-Unis : l'aspiration à une existence exempte de toute souillure étrangère gagne du terrain partout. Ce sont surtout les écrivains qui en pâtissent. Farah Karimi, directrice générale de l'organisation de développement Oxfam Novib, a noté dans son discours que la liberté, et en particulier la liberté journalistique et littéraire, est soumise à des pressions dans de plus en plus d'endroits. L'intolérance, pratiquée par les terroristes et les fanatiques religieux, est toujours moins dévastatrice que la répression des gouvernements à cet égard. Dans le monde, le nombre d'auteurs emprisonnés et assassinés augmente de façon alarmante.
Tristesse
La remise des prix Oxfam Novib PEN, qui fait traditionnellement partie de l'ouverture des Winternachten, n'a donc pas été une occasion de se réjouir cette année non plus. Il n'y a pas grand-chose à célébrer dans le prix décerné à un journaliste éthiopien condamné à 18 ans de prison en 2012 pour avoir prétendument sympathisé avec le terrorisme. Eskinder Nega a remercié PEN et Oxfam Novib dans une lettre personnelle d'une simplicité déchirante.
Milagros Socorro, la journaliste vénézuélienne qui a également reçu un PEN Award, a pu être présente. Sa tristesse face à la détérioration de la situation au Venezuela a failli faire déborder le vase. Eelco Bosch van Rosenthal, rompu aux interviews difficiles, n'a pu que se tenir à l'écart et réconforter.
Bus TV
Pourtant, il y avait aussi un point positif. Non pas qu'il faille toujours qu'il y en ait un, mais on aime bien envoyer les invités à l'apéritif avec un sentiment d'optimisme. Eh bien, c'était possible. Au Venezuela, Milagros Socorro s'est avérée être l'une des initiatrices de l'initiative ElBusTV et elle est brillante dans toute sa simplicité. Des journalistes vénézuéliens, réduits au chômage par la vague de censure qui déferle sur le monde des médias vénézuéliens, racontent les nouvelles aux passagers des bus entre deux arrêts.
Il s'agit d'une forme de journalisme de guérilla pacifique. À l'heure de la communication numérique de masse, cette initiative de portée minimale est un exemple de créativité à l'impact maximal. Une bonne raison de se réjouir.
Winternachten, qui se tient cette année à La Haye pour la 27e fois, s'ouvre rarement de manière festive, mais il s'agit toujours d'une célébration du pouvoir de l'imagination et de la créativité humaines. En route pour les 27 prochaines années, et certainement pour les trois prochains jours (et nuits).