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Un homme plus fort que le destin ? Oublie-le ! - Oedipe par George Enescu à #DNO

Toute personne souhaitant franchir les portes de Thèbes doit résoudre l'énigme du Sphinx. Ceux qui échouent meurent d'une mort irrévocable, leurs os s'évanouissant dans le charnier qui l'entoure. Œdipe la défie, déterminé à sauver la ville. 'Nommez quelqu'un ou quelque chose de plus puissant que le Destin !', oracle le Sphinx depuis son monomoteur. Homme !", jubile Œdipe. Ce à quoi le Sphinx - littéralement - meurt de rire. L'homme plus fort que le destin ? N'y pensez plus !

Le librettiste Edmond Fleg et le compositeur George Enescu s'écartent ici résolument de l'original de Sophocle. Mais ce faisant, ils touchent immédiatement le cœur du problème. Si Œdipe délivre Thèbes de son bourreau, il accomplit en même temps son destin et épouse sa mère, Jocaste. Auparavant, il avait tué son père Laïus. C'est précisément pour éviter cette prophétie qu'ils s'étaient débarrassés de leur fils après sa naissance. Et c'est exactement pour la même raison qu'Œdipe lui-même a quitté Corinthe, où il avait grandi en tant que fils du couple royal. - Le berger qui aurait dû le tuer le mit dans le berceau de leur enfant mort.

Une présence scénique écrasante

Tout ce qui concerne la production de Oedipe de l'Opéra national souligne l'incapacité de l'homme à échapper à son destin. La mise en scène de cet unique opéra du Roumain George Enescu (1881-1955) est d'une fatalité écrasante. Des gradins imposants sont occupés par des personnages immobiles de couleur brun rouille, qui observent et commentent l'action comme une implacable armée de terre cuite. Cette image statique renforce le sentiment que tout est inébranlablement fixé à l'avance et que la résistance est futile.

Un fait profondément tragique, mais qui devient difficilement palpable dans la mise en scène d'Àlex Ollé et Valentina Carrasco. Les personnages ont beau s'agiter frénétiquement contre leur destin, la massivité de la scène empêche toute identification. Les quelques moments d'intimité ne sont pas explorés. La rencontre entre Œdipe et sa mère supposée, Mérope, après sa visite à l'oracle, est fondamentalement déchirante. Mais comme Mérope agit comme un psychiatre à la dérive qui prend des notes, leur désarroi face aux désirs apparemment incestueux d'Œdipe reste académique.

Musique transparente

La musique d'Enescu ne peut pas être immédiatement cataloguée, mais elle suit le drame de près. Lorsque Laïus et Jocaste confient le nouveau-né Œdipe à un berger pour qu'il le tue, des glissandi plaintifs et descendants retentissent. Des années plus tard, lorsqu'il tue son père Laïus, l'orchestre s'enfle jusqu'à atteindre la force d'un ouragan, une machine à vent qui fait des heures supplémentaires. Il en va de même lorsqu'il juge Jocaste comme un morceau de viande, puis l'embrasse et la conduit dans la sphère conjugale.

Le tissu orchestral est extrêmement transparent et Enescu n'hésite pas à introduire des silences. Les voix et la musique sont complètement imbriquées ; les arias sont absentes. Le chant déclamatoire est parfois imité par l'orchestre, parfois soutenu par de longues lignes de cordes ou des cuivres percutants.

La partition est pleine de belles cantilènes d'instruments à vent (ultra) graves comme le basson (contralto) et la clarinette (basse). Régulièrement, un motif de flûte flamboyante retentit, comme une petite flamme qui tente en vain d'allumer un feu brûlant. Le chœur alterne entre des chorals imposants et des appels feutrés, presque debussystes, de la part des femmes. Enescu pimente le tout avec des touches de musique folklorique.

Peu de profondeur émotionnelle

Marc Albrecht dirige ses hommes/femmes à travers la partition variée avec des gestes souples. Les instrumentistes à vent de l'Orchestre philharmonique des Pays-Bas jouent des solos brillants et produisent des fanfares imposantes, parfois violemment dissonantes. Les harpistes s'enorgueillissent de subtils arpèges dans les passages plus feutrés. Malheureusement, la sonorité des cordes est quelque peu clairsemée et n'est pas toujours fidèle à la tonalité. Comme toujours, le Chœur de l'Opéra national offre une prestation de premier ordre. Ce n'est pas une mince affaire que de chanter les parties exigeantes à partir d'une seule position figée et pourtant sans faille.

Les solistes sont incontestablement convaincants, même si Ollé et Carrasco ne leur donnent guère l'occasion de s'exprimer sur le plan émotionnel. La soprano Heidi Stober (Antigone) transmet son désespoir avec beaucoup d'empathie. La basse Eric Halfvarson est phénoménale dans le rôle de Tirésias, en particulier lorsqu'il délivre Œdipe de son ignorance d'une voix abyssalement basse. Sophie Koch fait de Jocaste un personnage de chair et de sang, Violeta Urmana est une Sphinge bouleversante et André Morsch attire toute l'attention dans son petit rôle de Thésée.

Le toucher chrétien

Le baryton Johan Reuter (Œdipe) chante son rôle de plomb avec verve, mais ne parvient à faire vibrer la corde sensible que dans le dernier acte. Se promenant avec sa fille/sœur Antigone et assiégé par son ancien bourreau Créon, il professe son innocence. Après tout, il a commis ses crimes par ignorance et, au contraire, il a toujours essayé de ne pas accomplir les prophéties. Œdipe accepte sa mort avec une "âme pure". - L'opéra se termine sur une note chrétienne, lorsqu'il est absorbé avec amour dans une sorte de vie après la mort. Il repose en paix", chante le chœur féminin.

En dépit de son orientation détachée, cette Oedipe Une visite incontournable pour tout amateur d'opéra.

Vu le 12-12-2019 à The Stopera, jusqu'au 25 décembre. Billets et informations ici.

Thea Derks

Thea Derks a étudié l'anglais et la musicologie. En 1996, elle a terminé ses études de musicologie cum laude à l'université d'Amsterdam. Elle s'est spécialisée dans la musique contemporaine et a publié en 2014 la biographie 'Reinbert de Leeuw : man or melody', saluée par la critique. Quatre ans plus tard, elle a terminé 'Un bœuf sur le toit : la musique moderne dans le vogevlucht', qui s'adresse surtout aux profanes intéressés. Tu peux l'acheter ici : https://www.boekenbestellen.nl/boek/een-os-op-het-dak/9789012345675 En 2020, la 3e édition du Reinbertbio est parue,avec 2 chapitres supplémentaires décrivant la période 2014-2020. Ceux-ci sont également parus séparément sous le titre Final Chord.Voir les messages de l'auteur

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