Tout d'abord, je voudrais remercier tous ceux qui m'ont permis de recevoir le Prix néerlandais de la musique aujourd'hui. Non seulement à toutes les personnes qui m'ont aidé au cours de ma carrière et qui m'ont donné tant d'inspiration et de motivation, mais aussi à tous ceux qui m'ont soutenu dans mon développement musical depuis mon plus jeune âge. En outre, je suis très reconnaissant à toutes les personnes qui ont travaillé très dur dans les coulisses au cours des dernières semaines pour que ce concert puisse avoir lieu aujourd'hui. Il y a eu des moments de grande incertitude, c'est pourquoi j'admire beaucoup le dévouement et la patience de tous ceux qui ont contribué à rendre ce concert possible.
Au cours des deux dernières années, dans le cadre du Dutch Music Prize, j'ai eu les moyens de prendre des mesures concrètes pour concrétiser des idées que j'avais en tête depuis longtemps. J'ai l'intention de poursuivre moi-même ce développement à partir de maintenant. Je considère donc l'attribution de ce prix comme un signe de confiance, la confiance de toujours continuer à me développer en tant que musicien, en suivant ma propre vision.
Unreal
Mais je dois dire honnêtement que c'est un peu fou d'être ici. Il est irréel de pouvoir recevoir un prix musical à un moment où le monde culturel est en train de s'effondrer. Je me rends compte que je suis dans une position privilégiée, puisqu'on me donne une scène ici et une chance de faire entendre ma voix. Surtout à un moment où de nombreux musiciens ont l'impression de ne pas être entendus.
Idéalement, pendant ce concert, je ne m'occuperais que de faire de la musique. Et je pense parler au nom de tous les musiciens en disant que nous préférons faire entendre notre voix par la musique... Pourtant, il s'avère souvent que même une performance de grande qualité artistique ne suffit pas à convaincre les hommes politiques que l'art est essentiel. En effet, les ensembles des Pays-Bas sont évalués en fonction de listes de qualifications spécifiques qui déterminent s'ils ont droit à une aide financière. Compte tenu des exigences restrictives en vigueur, les musiciens sont souvent contraints de renier leur propre personnalité créative simplement pour pouvoir rester dans le système. Cette situation menace de transformer le monde culturel en une compétition malsaine, alors que l'art n'a rien à voir avec la compétition.
La diversité
En particulier, l'exigence de diversité s'avère décisive dans le choix des subventions qui conditionnent la survie des ensembles. Cependant, dès que la diversité ou l'originalité devient une fin en soi, le résultat est précisément une vie culturelle très unilatérale. Lorsque seul l'art "branché", "original" ou diversifié est autorisé à exister, le résultat n'est en fin de compte pas cette diversité que l'on recherche si frénétiquement. Ce n'est que lorsque toutes les façons dont les musiciens utilisent leur créativité ont le même droit d'exister qu'il peut y avoir un paysage culturel diversifié. En outre, la recherche de l'originalité n'est pas en soi un point de départ utile, car toutes les nouveautés qui apparaissent sont inévitablement et inextricablement liées à notre passé. Au lieu de l'originalité, l'authenticité serait donc une meilleure aspiration.
Je suis souvent frappé par le contraste poignant entre l'admiration du public pour la performance sur scène et la peur constante pour leur propre survie qui se joue entre-temps dans les coulisses de tous les ensembles. Par exemple, il est incompréhensible pour moi qu'alors que les répétitions pour ce projet battaient leur plein, la nouvelle choquante ait été annoncée que l'Orchestra of the 18th Century et Cappella Amsterdam - malgré une évaluation positive - ont reçu un avis négatif du Conseil de la Culture pour leurs demandes de subvention.
Le silence de ces derniers mois
Lorsque l'art est proposé à un niveau aussi élevé, on peut s'attendre à ce qu'il soit valorisé. Et pas seulement par les fidèles spectateurs, mais aussi par les pouvoirs publics, en signe d'appréciation de la qualité offerte depuis des années. Le secteur culturel devrait donc bénéficier de beaucoup plus de subventions que ce n'est le cas actuellement. En effet, ces subsides sont indispensables à la survie créative des ensembles. Les subventions leur donnent la liberté de continuer à se concentrer sur ce dans quoi ils excellent et ce pour quoi ils se distinguent, sans qu'un modèle de revenu ne soit le point de départ.
Je voudrais faire un dernier commentaire, avant de revenir à la musique, qui est bien sûr ce pour quoi nous sommes ici... Le silence de ces trois derniers mois m'a fait comprendre que la communication avec un public et le sentiment d'une performance en direct ne peuvent pas être remplacés par un flux en direct ou un enregistrement vidéo. Ce ne sont que des solutions de rechange de qualité inférieure. J'espère donc sincèrement que le fait d'assister à des concerts et à des spectacles en direct sera un jour considéré comme aussi essentiel, même par le gouvernement, que le fait de prendre l'avion et de boire une bière sur une terrasse.
Discours de Lucie Horsch lors de la remise du Prix néerlandais de la musique au concert du Holland Festival ; Muziekgebouw Aan 't IJ, présentation le 7 juin 2020, à diffuser le 14 juin 2020