Si l'humanité s'éteint, il y a bien eu quelque part une femme qui a été la dernière à ne pas avoir d'enfant. À qui revient cet honneur ? Au Holland Festival, un ensemble de 12 artistes interprète un requiem pour cette dernière non-mère. L'actrice et chanteuse Joy Wielkens est la grande prêtresse exceptionnellement désarmante de cette soirée parfois assez lourde, dans laquelle la fin des temps est évoquée de très près.
Le projet Une pièce pour les vivants à l'heure de l'extinctionque l'on peut voir au théâtre Frascati d'Amsterdam grâce au Holland Festival, est remarquable à plusieurs égards. Notamment parce que toute l'énergie électrique du spectacle est générée non pas par des amibes brûlantes qui se sont éteintes il y a 3 milliards d'années et qui ont depuis été transformées en pétrole et en gaz par fermentation sous pression, mais par les acteurs eux-mêmes, par le biais de l'énergie mécanique.
Bien qu'il soit possible qu'elle ait été introduite en contrebande pour la climatisation très appréciée en cette soirée de juin à la chaleur record. Espérons qu'il y ait des cellules solaires sur le toit de Frascati.
Ne prends plus jamais l'avion
L'idée a germé chez Katie Mitchell, créatrice de théâtre de renommée internationale. Il y a quelques années, elle a pris la décision louable de ne plus prendre l'avion. Parce qu'elle est une créatrice très demandée, avec de nombreux festivals internationaux à ses pieds, ses spectacles voyagent désormais dans le monde entier sans elle, sous forme de concept et de texte, par email. Elle donne carte blanche aux créateurs locaux pour mettre en œuvre ses idées. Cela permet d'économiser beaucoup de kilomètres aériens et de gaz d'échappement, et ainsi toute l'énergie peut être mise dans la production, qui ne devrait pas non plus coûter d'énergie à l'extérieur.
Dans ce cas, il revenait à la metteuse en scène Floor Houwink ten Cate et à la compositrice d'opéra et chanteuse Annelinde Bruijs d'adapter le texte traduit par Jibbe Willems à leur convenance. La contribution de Joy Wielkens est tout à fait perceptible dans la mesure où sa propre contribution était également possible. Après tout, il s'agit de son monologue, dans lequel elle établit un lien entre le changement climatique et la suprématie blanche.
Une sorte d'horloge
Dans sa forme, le spectacle est une sorte de mécanisme d'horlogerie, propulsé par le chœur de femmes, accompagné d'une percussion minimale. Le mécanisme d'horloge sert également de dynamo pour la lumière. Sans leur effort, la performance se joue dans l'obscurité. Une belle idée.
Il est toutefois intéressant de se demander si la responsabilité de la catastrophe climatique et le repentir qui l'accompagne ont encore de l'importance pour retarder la... une fin désormais inévitable. Sur ce Titanic qui coule, il vaut peut-être mieux se serrer les coudes aux pompes que de se battre à mort, même si, de nos jours, cela tombe dans l'oreille d'un sourd (sic). Peut-être vaut-il mieux agir maintenant en faisant du surplace et, comme le fait Katie Mitchell : ne plus voler.
Vent du sud
Malheureusement, le vent du sud étouffant a obligé Schiphol à ouvrir la mauvaise piste. Tout le trafic aérien est passé au-dessus des terrasses bondées du centre-ville d'Amsterdam. Le bruit d'un flot incessant d'avions (de vacances) a rendu impossible toute conversation dans la rue sur le climat et ce spectacle.
Un jour, l'anthropocène, l'ère où l'homme a déclenché une extinction massive de plantes et d'animaux, sera réduit à une couche de roche d'un dixième de millimètre d'épaisseur portant une signature légèrement radioactive. Alors avant que cela n'arrive, il faudra mener un furieux combat contre la mort de la lumière.
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