Une histoire d'amour, mais surtout une ode à l'imagination. Des jours parfaits de l'écrivain espagnol Jacobo Bergareche est un roman passionnant.
Mariage mortel
Sous prétexte que c'est nécessaire pour son travail, le journaliste espagnol Luis se rend à une conférence à Austin, au Texas. Mais en réalité, ce voyage est surtout une excuse pour échapper à son mariage sans issue avec Paula et pouvoir rencontrer sa maîtresse Camila. Il a rencontré cette architecte mexicaine deux ans plus tôt à Austin, et ils ont depuis passé sept jours et sept nuits intenses ensemble. Ces journées parfaites fournissent à Luis le carburant nécessaire pour faire face aux interminables journées à la maison qui s'enfilent, pleines de corvées et dépourvues de joie de vivre.
Mais juste avant qu'ils ne se retrouvent, Camila l'informe que son mari a décidé inopinément de l'accompagner. Restons-en là et chérissons ce souvenir, écrit-elle à Luis, qui ne sait plus où donner de la tête. Lors d'une visite au Centre Harry Ransom, un immense centre d'archives où sont conservés les correspondances et autres documents de nombreuses célébrités, il se passionne pour William Faulkner, l'écrivain préféré de Paula. Luis lit les lettres de Faulkner à sa maîtresse Meta, et elles le font réfléchir. Sur le sens de sa relation avec Camila, mais aussi sur son mariage avec Paula, qui est en train de mourir.
Lettres longues
Des jours parfaits se compose de deux longues lettres : l'une de Luis à sa maîtresse et l'autre de Luis à sa femme. Dans la lettre de Camila, il raconte combien les jours passés ensemble ont compté pour lui, comment elle a donné du lustre à l'existence et l'a rendu comme neuf. Leur engouement a fait des côtes levées un repas de dieux, et d'un nuage de chauves-souris au coucher du soleil le plus beau des spectacles. "La réalité s'est élargie, m'est apparue plus profonde, je pouvais être tant de choses nouvelles pour toi, et elle pouvait être tant de choses nouvelles pour moi."
Mais Faulkner lui fait aussi comprendre que Camila sauve leur relation du sort qui finit par s'abattre sur presque toutes les relations à long terme ; même la liaison de Faulkner est la proie de l'ennui et se vide de son sang.
Dans une lettre, Paula lui fait part pour la première fois de son désespoir, de son sentiment de solitude et de séparation, et de sa nostalgie des journées parfaites qu'ils passaient autrefois ensemble. Pas les week-ends orchestrés, qui se révèlent généralement aussi décevants que les journées normales, mais ces rares journées qui se déroulent naturellement sans temps, laissant place à la spontanéité, à la fantaisie et à l'expérience de l'amour.
Il envoie le courriel juste avant de reprendre l'avion pour l'Espagne, incertain de sa réponse. "Pour l'instant, nous en sommes réduits à nous demander ce qui se passera demain, quel genre de journée nous attend, mais au moins nous savons qu'elle sera différente de la normale, que quelque chose nous arrivera enfin demain."
Des jours parfaits est une histoire passionnée et parfois émouvante sur la façon dont l'amour devient terne si tu ne fais pas attention et si tu te laisses prendre par les préoccupations banales de l'existence. Mais c'est surtout une merveilleuse ode au pouvoir de l'imagination. Car c'est elle qui donne de la couleur à la vie.
Jacobo Bergareche, Des jours parfaits (192 p.). Traduit de l'espagnol par Nadia Ramer. Wereldbibliotheek, € 21.99