Le théâtre a tout à voir avec la langue. Et rien, bien sûr, mais grâce à la version d'Antigone d'Aluin, je veux plaider en faveur du "tout". Car le langage définit bien plus l'image que l'inverse. Déroutant ? Oui, c'est vrai. Heureusement.
L'Antigone d'Aluin, ou plutôt l'adaptation par Erik Snel de la traduction par Gerard Koolschijn de la pièce écrite par le Grec Sophocle quelques centaines d'années avant le début de notre ère, est devenue un spectacle limpide. Il ne faut d'ailleurs pas s'attendre à autre chose de la part d'Alum. Leurs adaptations de textes de théâtre classique sont déjà très demandées par les Gymnasia et les VWO. C'est ainsi qu'ils survivent, même si la subvention du Fonds des arts de la scène leur a échappé.
Après avoir vu Antigone, je ne peux que regretter qu'il n'y ait pas eu d'Alum lorsque, jeune adulte, j'ai lutté contre la traduction d'Œdipe pour l'examen final.
Calme dans la maison
Antigone est la fille d'Œdipe qui se rebelle contre la loi de son oncle Kréon. Après une dispute mortelle entre ses frères, il exige que le pire des deux pourrisse au soleil. Antigone préfère suivre la loi divine. Celle-ci stipule que tout être humain, et en particulier son frère, doit être aidé dans l'au-delà par des rituels appropriés. Kreon regrette tardivement d'avoir puni de mort toute violation de sa loi et, à la fin, la maison devient soudain très silencieuse.
Tout cela en un peu moins d'une heure de théâtre, interprété par deux actrices qui ne correspondent en rien à l'image de la Grèce antique. Rochelle Deekman et Victorine Plante sont très différentes, non seulement par l'âge, mais aussi par la couleur. Dans un climat théâtral néerlandais où il est encore compliqué de distribuer des rôles de "daltoniens", cette pièce est un exemple éclatant de ce qu'il convient de faire.
Dès qu'ils se font face dans les innombrables inversions de rôles que l'adaptation exige, en tant que Haemon et Antigone bien-aimés, ou en tant que sœurs Antigone et Ismène, ou en tant que voyant aveugle Teiresias et roi Kreon, personne ne se préoccupe des différences visibles. Tout simplement parce que la langue est le véhicule de l'histoire, et que la langue détermine naturellement ce que nous voyons. Et c'est ce que nous croyons. C'est ainsi que fonctionne la langue.
Magie
Ensuite, bien sûr, la langue doit être bonne, et avec Gerard Koolschijn, c'est garanti. Ensuite, la performance doit venir du cœur des actrices, et c'est là qu'elle devient magique. Regarder ces deux femmes interagir est un délice. Elles jouent leur duo à multiples facettes avec enthousiasme et avec un plaisir extrêmement contagieux. Et puis, tout naturellement, le sujet devient d'actualité.
Alum garantit que vous n'assistez pas à une pièce de théâtre historique, morte depuis longtemps, sur des problèmes du passé. Grâce à Rochelle Deekman et Victorine Plante, vous assistez à un conflit dont vous sentez à chaque seconde que peu de choses ont changé au cours des 2 500 ans qui se sont écoulés depuis sa première mondiale sous le soleil grec. C'est un réconfort. Les lycéens, pour qui la traduction d'Antigone constitue cette année la matière de l'examen final, ont de la chance si leur école leur offre cette pièce en cadeau.