Dans les romans classiques, ce sont souvent des personnages un peu tragiques : l'artiste ou le scientifique qui sacrifie tout pour créer l'Œuvre de tous et qui finit par sombrer dans la déchéance. L'orgueil précède la chute, pense-t-on. Il vaut mieux travailler toute sa vie pour perfectionner une vague plutôt que de créer l'œuvre définitive sur tout. Ne vous faites pas plus grand que vous n'êtes.
Eric de Vroedt, directeur artistique du Théâtre national, ne fait pas preuve d'une telle humilité. En effet, créer la pièce définitive sur tout est pour lui un hobby. Le samedi 28 juin, sa dernière version de la pièce définitive sur tout a été présentée pour la première fois au Holland Festival. The Seasons est, après 10 épisodes Mightysociety et six épisodes de The Nation, un marathon qui a passé le test des quatre épisodes en sept heures avec brio.
Raffiné
Ce mégaprojet, une adaptation des quatre livres 'Autumn', 'Winter', 'Spring' et 'Summer' qu'Ali Smith a écrits ensemble en un temps record, fait exactement ce qu'une œuvre définitive sur cette époque devrait faire : submerger. De Vroedt n'y parvient pas avec des plateaux lumineux et la teringhertrie d'un système sonore surpuissant. Cela aurait pu être le cas, car le ROHTKO de Riga l'a déjà fait avec beaucoup de conviction au cours de ce festival, mais ce que le Théâtre national fait aujourd'hui est plus raffiné.
Tout d'abord, des personnes sensées avaient déjà décidé que les quatre romans très associatifs d'Ali Smith ne se prêtaient pas à une adaptation théâtrale. Mais ce sont des gens sensés et Eric De Vroedt est surtout ambitieux. Il a donc pris la machette et le stylo pour créer quelque chose qui permettrait à huit acteurs et deux musiciens de gérer ces œuvres sinueuses, qui sautent dans le temps et comptent des dizaines de personnages.
Parfaitement britannique
En comptant les pauses pour manger, boire et faire pipi, ils sont sur scène pendant sept heures et, avec leur jeu d'ensemble enthousiaste, vous emmènent dans un voyage à travers le temps, et des vies déchirées de l'histoire récente si effroyablement similaires aux catastrophes passées. Smith a pris comme point de départ la période entre le référendum du Brexit et Coronapandemic, De Vroedt a pris la bonne décision en ne changeant rien à ce calendrier et à la nature britannique du spectacle. C'est précisément l'aliénation qui fait entrer les événements actuels dans le théâtre.
Ce qui contribue encore plus à rendre le spectacle actuel et incontournable, ce sont les acteurs. Tous méritent d'être mentionnés, Hein van der Heijden en esprit merveilleusement léger flottant à travers le temps, Antoinette Jelgersma qui porte le steerage à de grands sommets, Esther Scheldwacht qui joue sans effort une écolière même aujourd'hui, tandis que Betty Schuurman est si bonne qu'elle mériterait un rôle plus important. face au désespoir millénaire de Joris Smit, aux côtés de Nur Dabagh qui campe une adolescente grandiose et hyper-intelligente et de Mariana Aparicio qui confirme sa position de grande dame juvénile du Théâtre National avec une performance super-énergique.
June Yanez
Une mention spéciale revient à June Yanez. La jeune actrice fascine dès sa première apparition par sa polyvalence et son humour. Son charisme nous tient en haleine et elle sait passer d'une nuance à l'autre. Qu'il s'agisse d'un enfant de 6 ans, puis de 8 ans, puis de 13 ans et enfin de 31 ans : avec un minimum d'effort, on voit la métamorphose s'opérer sous nos yeux. Et puis, elle sait aussi chanter. Yanez est très grande et ne peut que s'agrandir. J'ai cru comprendre qu'elle avait été rachetée à La Haye par des concurrents d'Amsterdam. Dommage pour La Haye, mais espérons qu'elle aura l'occasion de grandir encore à l'ITA.
Aujourd'hui, elle offre à De Vroedt la possibilité, grâce à l'expérience musicale de Hein van der Heijden et au passé musical de Betty Schuurman, de rendre le spectacle attrayant pour un large public.
Entre-temps, nous attendons déjà avec impatience le prochain article définitif d'Eric de Vroedt sur tous les sujets.