Les zones industrielles sont étranges. Elles gisent, aigrelettes, à la périphérie d'une ville, puis se transforment sans transition en un même site à la périphérie d'une autre ville. Autrefois, c'étaient des sites A, des lieux de visibilité et le rêve incarné de la reconstruction. Aujourd'hui, ce sont des structures de bas étage, des halls avec une porte d'entrée, un bureau visible pour le Dirk et un conifère pathétique entre l'entrée et le parking. Le bâtiment voisin est toujours vide. Le parking est envahi par la végétation, les vitres de l'étage sont brisées.
Entre Den Bosch et Engelen, 15 minutes de cette laideur attendent le retour de la vieille économie. Nous passons par là pour nous rendre à For The Time Being, le dernier projet de Boukje Schweigman. Le trajet en bus jusqu'à l'endroit secret (spoiler : l'une de ces propriétés voisines abandonnées) serpente le long de rues désertes. La nuit, c'est probablement le domaine des courses de rue.
Sauterelles
Il n'y a pas de plus bel exemple du comportement acridien de l'humanité. On creuse des terrains, on les rend constructibles, on y construit des halles qui, dès qu'elles sont trop pleines, se vident et se dégradent parce que l'autoroute, à 5 kilomètres, offre une meilleure vue. Après quoi, la fête recommence. Accélérée en stop-motion, elle ressemblerait à une onde de choc balayant le pays. Un matériau typique pour Schweigman, dont le travail sur le mouvement visuel est toujours à la recherche de la relation entre nous, les gens et le monde qui nous entoure.
For The Time Being, réalisée en collaboration avec Slagwerkgroep Den Haag, est une œuvre plutôt dépouillée pour les standards de Schweigman. Pas d'installation technique gigantesque, pas de monde plus puissant est plus que nous, comme toujours ce tunnel blanc où l'on perd toute notion d'espace et de temps. Mais plus que jamais : le contact.
Expérience sociale
Par-dessus tout, nous assistons à une expérience sociale qui, entre les mains de quelqu'un d'autre que Schweigman et ses déménageurs, serait un peu effrayante. En effet, tout dans l'œuvre de Schweigman respire l'amour enthousiaste pour ses semblables, la fascination enfantine pour ce que nous sommes et pour la proximité que nous pouvons avoir les uns avec les autres. Ce n'est jamais menaçant, et pourtant Schweigman permet à ses danseurs de s'approcher bien plus près que ce que nous trouvons acceptable dans la vie de tous les jours.
Il serait dommage d'en dire plus sur ce qui se passe dans cette installation. Même le fait de dire que l'on s'en sort indemne nuit à l'ensemble. Ou de dire que j'aurais pu m'attendre à plus de percussions. Car c'est bien le cas. Ce qui s'est passé ensuite n'était-il pas magnifiquement synchronisé ? Et lors de la représentation à laquelle vous assistez, combien de temps faudrait-il au public pour faire ce dernier pas ? De belles questions, avec lesquelles je vous renvoie volontiers à Beaver's Spikes.