Une erreur classique : Andries Knevel décrit Richard Wagner comme le compositeur de la cour d'Hitler. Et n'est contredit par personne.
Ce n'est pas étonnant, car nous y sommes habitués ; dès que les nazis entrent en scène, les cinéastes aiment choisir la musique du compositeur qui sera sous les feux de la rampe l'année prochaine, parce qu'il est né il y a 200 ans. Cependant, cela signifie aussi qu'il est mort en 1883, donc avec la meilleure volonté du monde, il ne peut pas être le compositeur de la cour d'Hitler. C'est plutôt Pfitzner et même Richard Strauss qui peuvent prétendre à ce titre. Et non, les opéras de Wagner ont bien été joués lors des grands congrès du parti, mais cela concernait toujours le seul (Nuremberg), et ce n'était pas vraiment populaire. Ça prend pas mal de temps, aussi, un tel Meistersinger, si tu es un bobo du parti ou un soldat blessé qui est obligé d'y assister.
Que Wagner ait été un antisémite convaincu ne fait aucun doute. Après l'incendie d'une synagogue qui a fait des morts, sa réaction a été la suivante : "Peut-être qu'ils devraient faire ça à d'autres Juifs, les brûler."
Van Amerongen note que si Wagner était farouchement antisémite dans ses écrits, il agissait différemment dans ses relations personnelles avec les Juifs. Une autre défense courante est l'observation que si Wagner était antisémite, c'était le cas d'une grande partie de l'élite culturelle au dix-neuvième siècle. Mais s'il est absurde de tenir Richard Wagner pour responsable des crimes du Troisième Reich, il existe bel et bien une ligne claire et directe entre Wagner et Hitler.
Car le fils de Wagner, Siegfried, et surtout sa femme Winifred étaient farouchement antisémites. Winifred en particulier était une supportrice passionnée d'Hitler, en qui elle voyait le sauveur de l'Allemagne. Et cela ne s'est pas arrêté en 1945
Dans Wagner's Hitler : Der Prophet und sein Vollstrecker, Joachim Köhler tente de répondre à la question de savoir d'où Hitler tenait son antisémitisme. La réponse est déjà dans le titre, et dans le dernier chapitre, il affirme sans équivoque :
(...) le fait que l'homme, qui a fait entrer l'Europe dans la catastrophe, que Wagner a appelé Hitler, ait été un homme, a été un acte de dénigrement. (...) Hitlers historisch gewordener Vernichtungsfeld-zug gegen die Juden war Teil seiner Wagner-liebe : Er mußte die Juden hassen, weil er den Mann liebte, der die Juden haßte. (...) Es galt nur noch, den Auftrug zu vollstrecken.
La conclusion est claire : "Hilers private Utopia trug den Namen Richard Wagner" et "Deutschland wurde zur Wagner-Oper" :
L'Allemagne s'est débarrassée d'une religion qu'elle ne connaissait pas ; elle a suivi des rites qu'elle ne comprenait pas ; elle s'est réjouie et a cherché un mystère, dans lequel elle n'a jamais été impliquée. Aucune connaissance n'a été acquise, aucun national-socialiste ne s'est laissé influencer par cette situation, seul le Führer l'a fait. Und der behielt für sich, was er nicht mit anderen teilen wollte. (...) "Deutschland" était son Credo, mais ce qu'il voulait, c'était Wagner.
Mais quoi que tu veuilles voir dans les opéras de Wagner, ils ne s'alignent certainement pas sur les valeurs et les normes chères au Troisième Reich. Bien au contraire. Siegfried, lui-même enfant de parents qui étaient frère et sœur, couche sciemment avec sa demi-sœur ; tandis que le dieu suprême Wotan ne peut pas non plus être un modèle de pureté du sang aryen. Et le fait que tous les personnages qui aspirent au pouvoir connaissent une fin horrible n'a pas dû non plus être un message agréable pour Hitler et ses semblables.
L'opéra préféré de Hilt était donc Tristan und Isolde, auquel, avec la meilleure volonté du monde, aucun message politique ne peut être attaché.
Armando le dit encore mieux dans son "Beauty is not fluff", un récit de sa visite à Bayreuth, qui n'est pas pour rien aussi le titre de son recueil de prose :
Tu ne dois rien laisser t'enlever par Adolf H. D'ailleurs, il n'aimait pas tout ce que faisait Wagner. Parsifal n'était pas joué, trop religieux. Et ce qu'il aimait dans le Ring reste un mystère pour moi. Corruption, caractère éphémère du pouvoir, il assistait en fait à sa propre disparition.
Tu ne t'attends peut-être pas à cela dans un programme aussi rapide que celui d'Andries Knevel, mais il faut parfois faire preuve d'un peu de nuance. Richard Wagner n'était pas le compositeur de la cour d'Hitler ; nous ne l'avons inventé que bien plus tard.