Ce samedi 14 février 2015, Reinbert de Leeuw dirigera l'Orchestre de l'Union européenne. Orchestre philharmonique de la radio dans la quatrième symphonie du compositeur polonais Henryk Górecki (1933-2010) à l'Opéra de Paris. La matinée du samedi de NTR. Górecki s'est fait un nom du jour au lendemain en 1992, lorsque le CD de sa troisième symphonie s'est hissé au sommet des classements classiques comme une fusée éclairante. L'enregistrement de cette Symphonie de chansons tristes mettant en vedette la soprano américaine Dawn Upshaw, a depuis dépassé le million d'exemplaires - un exploit dont peu de compositeurs peuvent s'enorgueillir.
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Sa création mondiale en 1977 n'a d'ailleurs pas été un succès. Pierre Boulez, collègue compositeur et grand inquisiteur de l'avant-garde, a crié "merde !" à l'issue de l'œuvre ; les critiques ont parlé d'"ordures décadentes" et d'"un voyage interminable à travers trois chansons folkloriques". Dans cette œuvre fascinante, Górecki a fermement refermé la porte du modernisme derrière lui. [Avec ses harmonies tonales et ses mélodies chantantes, il a fait un long pied de nez à toutes les lois de la musique atonale et sérielle. - Un péché mortel dans les années 1970, mais une proie irrésistible dans les années 1990, plus orientées vers l'expérience. Depuis, le débat fait rage : la musique de Górecki est-elle de l'art ou du kitsch ?
Le fait que Reinbert de Leeuw, le champion de l'avant-garde aux Pays-Bas, dirige la quatrième symphonie de Górecki peut être considéré comme un acte d'accusation. De Leeuw avait déjà défendu la musique de Górecki auparavant, lorsqu'en 1989, il avait dirigé avec son Schönberg Ensemble la première mondiale de l'œuvre spécialement écrite pour l'occasion. Petit Requiem pour une Polka. Le fait que cette pièce au rythme et à l'harmonie simples ait été unanimement critiquée par la presse néerlandaise ne l'a pas empêché d'inclure Górecki dans sa célèbre série de documentaires télévisés. Maîtres du son. Et lorsque Philips lui a offert une série de cartes blanches en 1995, il lui a consacré un CD entier.
Cependant, De Leeuw avait également des sentiments mitigés et, par la suite, il ne jouera plus que rarement des œuvres de Górecki. Dans la biographie Reinbert de Leeuw, homme ou mélodie Il déclare : "Lorsque nous avons commandé le Petit RequiemJe l'ai trouvé fascinant, mais le battage médiatique autour de la troisième symphonie n'avait pas encore éclaté. Après cela, je n'arrivais plus à croire à ces triades d'une beauté infinie, à cette naïveté. Il est absolument authentique et pur, mais avec mon expérience, mes connaissances et le fait de vivre à Amsterdam, je ne peux pas atteindre cette simplicité. Apparemment, De Leeuw a depuis lors mis de côté ses objections.
D'ailleurs, il aurait déjà eu la quatrième symphonie sur son pupitre en 2010, si elle n'était pas restée inachevée en raison de la mort prématurée du compositeur. Le fils de Górecki, Mikołaj, l'a achevée sur la base d'un "particel", un plan détaillé contenant des indications sur l'instrumentation, la dynamique, etc. Selon Mikołaj Górecki, la quatrième symphonie est très différente de la troisième et s'inscrit davantage dans la lignée de la deuxième symphonie de 1972, nettement plus dissonante. Le compositeur y interprète des blocs sonores monolithiques, mais aussi des lignes vocales de type grégorien interprétées par deux solistes sur des textes de Copernic.
La quatrième symphonie achevée par Mikołaj Górecki a été créée par l'Orchestre philharmonique de Londres en avril 2014. Les réactions des critiques ont été mitigées. "Nous étions prêts à nous attendre à quelque chose de moins contemplatif que l'œuvre de Górecki". Symphonie de chansons tristes", écrit Le Daily Telegraph...mais les deux œuvres ont plus en commun qu'il n'y paraît, en raison du bombardement de dissonances fortissimo lorsque l'orgue Harrison perce l'atmosphère emphatiquement hymnique". The Guardian parle de "blocs d'idées massifs et férocement contrastés" et de "répétitions fréquentes des accords d'ouverture, ponctuées par des coups puissants sur trois grosses caisses". Conclusion : "L'extrémité de ces idées individuelles et le remplacement de tout sens de développement par la répétition pure et simple donnent à la symphonie l'aspect d'un monument grossièrement taillé".
Mais s'agit-il d'art ou de kitsch ? Pour le savoir, il faudra se rendre au Concertgebouw d'Amsterdam samedi, ou écouter la retransmission en direct sur Radio 4.
NTR Matinée du samedi 14 février 2015 Concertgebouw 14h15
Orchestre philharmonique de la radio / Reinbert de Leeuw ; Jean-Guihen Queyras, violoncelle
Górecki : Symphonie n° 4, "Épisodes de Tansman".
Sibelius - Le barde
Chostakovitch - Deuxième concerto pour violoncelle