Tous les écrivains rêvent d'être traduits. En anglais (langue mondiale), en chinois (grand marché) ou, si nécessaire, en islandais (j'ai toujours voulu y aller en vacances). Il est parfois nécessaire de donner un coup de pouce à ce rêve.
Surtout si vous êtes un écrivain totalement inconnu qui n'a publié que quelques anthologies imprimées à la main en petits tirages. D'une maison d'édition basée à Houwerzijl (dans le nord-ouest de la province de Groningue). Des recueils qui n'ont été remarqués et commentés que par le journal local.
Une idée prend feu
Tout a commencé lorsqu'une connaissance m'a envoyé par courrier électronique sa traduction d'Ultimo il carvo (Et puis vient un corbeau), une nouvelle de mon célèbre collègue italien Italo Calvino. Cette connaissance a ajouté que la traduction de la prose italienne était un nouveau hobby. Il ne voulait pas en faire son métier pour le moment. En effet, les traducteurs sont les esclaves modernes du commerce du livre. Ils travaillent dans des délais très courts et sont mal payés.
Une étincelle s'est allumée dans ma tête et l'idée a pris feu. J'ai demandé à mon ami s'il avait déjà traduit de la prose dans l'autre sens, du néerlandais vers l'italien. Il ne l'avait jamais fait auparavant, mais cela semblait être un défi amusant. En retour, je lui ai envoyé par la poste mon livre The Photographer and the Bird (Le photographe et l'oiseau), qui, selon le journal local, est une "histoire intelligemment écrite et follement excitante".
Revue littéraire
Quelques semaines plus tard, j'ai reçu Il fotografo e l'uccello dans ma boîte aux lettres. J'ai imprimé mon histoire italienne et je l'ai regardée avec amour. Il était temps de passer à l'étape suivante. Après quelques recherches, j'ai trouvé un magazine littéraire italien approprié, une rivista letteraria. Ma connaissance m'a fourni le texte d'accompagnement.
Elle attend toujours une réponse. Mais en ces temps de crise, la patience est une vertu. Toute la vie ralentit et il en va sans doute de même pour un magazine littéraire italien. Je ne doute pas de mon succès.
Sa publication dans le magazine n'est qu'un début. Les éditeurs sont surpris de lire Il fotografo e l'uccello et se demandent désespérément qui est Onno Weggemans. Ce nom imprononçable doit être un pseudonyme. Quel écrivain se cache derrière ce petit chef-d'œuvre ? Après Elena Ferrante, un nouveau mystère est apparu.
Une marche triomphale romantique
Au moment opportun, je me dévoilerai. Mon jean Armani est prêt, ma femme a essayé ses escarpins Feraggio. Nous voyagerons en train, comme ça nous pourrons conquérir les Alpes comme Hannibal. En outre, un voyage en train convient parfaitement au romantisme de l'écrivain.
Les journalistes font la queue pour les interviews. Les librairies sont bondées lorsque je fais mon apparition. Les éditeurs brandissent des contrats lucratifs.
Mon voyage en Italie sera triomphal.
Veni, vidi, vici !
Brève mise à jour : J'ai écrit ce qui précède il y a plus de six mois et je n'ai toujours pas reçu de réponse. Mes jeans Armani et les escarpins Ferraggio de ma femme sont en vente sur Internet. Le rêve de devenir un écrivain respecté et traduit s'est envolé avec le vent. Adieu, doux rêve. Addio.