La tribune du Veerensmederij à Amersfoort occupe tout le mur latéral de cette maison de l'Opéra de Hollande. Sur chacun des sièges très espacés se trouve une bouteille de champagne avec deux coupes. Un homme (qui s'avère être le maire d'Amersfoort) entame un discours sur l'impact des mesures "corona". Après l'annulation de Le divorce de Figaro l'équipe s'est rétablie rapidement et a réalisé en peu de temps Le Hollandais volant. Des nouvelles festives, en outre, car "nous avons été inclus dans l'infrastructure de base. Cela offre plus de sécurité pour l'avenir". D'où le champagne. Ensemble, nous faisons sauter les bouchons, et le spectacle peut commencer.
Le message de Le Hollandais volant pas. En bref, l'homme est le jouet de Dieu et du Diable. Selon le Diable, l'homme est essentiellement mauvais ; Dieu est convaincu du contraire. Ils font un pari. Pour prouver ce qu'ils avancent, ils veulent mettre l'humanité à l'épreuve. Le Diable propose de terribles fléaux - maladie, guerre, déluge - que Dieu rejette. Finalement, leur regard se porte sur le Skipper, un blasphémateur qui maudit avec raideur les hommes de son Hollandais volant. En guise de punition, il doit errer sur les mers pour toujours sans jamais pouvoir mourir. - À moins qu'une femme ne rachète son âme en lui restant fidèle jusqu'à la mort. Pour la retrouver, il a droit à un jour à terre tous les sept ans. Allez savoir.
Dieu est une femme
La scénographie de Douwe Hibma exploite avec inventivité toutes les possibilités imaginables. Sur une plate-forme à gauche, Dieu est assis dans une salle de contrôle en verre. Dans son élégante robe de chambre blanche à la jupe évasée, elle "contrôle" deux écrans d'ordinateur. Les images apparaissent sur trois colonnes séparées au centre de la pièce. - Et oui, Dieu est une femme pour le metteur en scène et librettiste Joke Hoolboom. Le Diable porte un long manteau noir marbré d'argent. Il porte des gants rouge vif. - Comme Dieu, en effet, il y a du sang sur leurs deux mains.
À droite des gradins, quatre musiciens se tiennent sur un balcon, les trois dames également en robe blanche, le contrebassiste en costume noir sombre. Sur la scène, à gauche des colonnes, un percussionniste solitaire en blouse blanche ample, pantalon noir et bonnet tricoté. - Le même que celui porté par les deux marins. À droite, un piano sans façade.
Amour ou aventure ?
Senta (la soprano Elisabeth Hetherington) apparaît dans un costume blanc sexy et marche sur des baskets blanches. Elle est fascinée par l'histoire du Hollandais volant. Tout en lui chantant l'amour dans un style baroque, elle prend des selfies avec les écrans vidéo en toile de fond. Il la suit des yeux depuis son puissant voilier, se balançant sur des vagues imposantes.
Lorsqu'ils se rencontrent, il se méfie de son amour. N'est-elle pas juste en quête d'une expérience ? Son inséparable téléphone portable et les images de jeunes se vantant sur YouTube semblent lui donner raison. Mais Senta s'obstine. Il finit par céder et elle parvient à le racheter. Voici l'accord final de l'œuvre de Bach Passion selon Matthieu.
Diabolus in musica
La musique de Niek Idelenburg est variée et entièrement au service de l'histoire. Les sons baroques mélodieux de Senta et de Dieu (la fine soprano Stephanie Desjardins) contrastent avec l'univers sonore graveleux du Diable (l'imposant Arnout Lems) et du Skipper (le superbe baryton Marijn Cornet). Ses deux marins chantent des mélodies folkloriques, à l'unisson ou en duo subtil. Le ténor Erik Slik et le baryton Marcel van Dieren brillent, opérant à l'unisson inséparable. Les nombreux motifs répétitifs rappellent la musique minimale de compositeurs tels que Philip Glass et Steve Reich.
Le fil conducteur est constitué par les cloches tubulaires, qui produisent souvent un triton. Cet intervalle de temps, qui annonce le malheur, est également entendu dans les sirènes de police. Au Moyen Âge, il était considéré comme "diabolus in musica" (le diable dans la musique). Le piano ouvert constitue un deuxième leitmotiv. Après l'aria d'ouverture de Senta, de Schipper y joue quelques accords sombres, en prélude à une citation enflammée de la musique d'orage de Wagner Der fliegende Holländer. Surpris, il sursaute lorsque l'instrument se met soudain à jouer furieusement tout seul. Les chanteurs et les musiciens joueront en parfaite synchronisation avec ce pianola jusqu'à la fin de la représentation.
Interludes audiovisuels
Dans chaque cas, des intermèdes musicaux décrivent les sept années d'errance du Skipper. Nous voyons ensuite des images de l'évolution technique, culturelle et politique de la fin du 19e siècle, par exemple.e siècle. Des trains aux zeppelins, en passant par les avions, les alunissages et les ordinateurs ; de Madame Curie, Martin Luther King et Nelson Mandela à la chute du mur et au Chinois au sac en plastique face à un char d'assaut à Pékin. Greta Thunberg passe également, de même qu'Angela Merkel et Emmanuel Macron, cagoulés, jouant des coudes. Enfin, nous voyons les séquences dans l'ordre inverse.
On ne comprend pas très bien pourquoi Dieu et Senta chantent en anglais et les autres en néerlandais. Il est également dommage que tous les chanteurs ne soient pas aussi intelligibles les uns que les autres. Les musiciens jouent excellemment, la hautboïste Inge Ariesen volant la vedette. Elle descend sur scène pour accompagner Senta dans quelques arias. Elle a un ton plein et chaud, une présence évidente sur scène et joue de mémoire. Avec sa musique expressive, ses costumes élégants, ses images vidéo éblouissantes et ses magnifiques éclairages, Le Hollandais volant un régal pour les yeux et les oreilles.
Le Hollandais volant est encore à l'affiche jusqu'au 13 septembre. Plus d'infos et liste de lecture ici.