Dans son nouveau roman Crépuscule Comme toujours, Philippe Claudel dissèque les pulsions obscures de l'homme.
L'auteur français Philippe Claudel n'a pas une vision trop joyeuse de l'humanité, comme le montrent ses romans aux récits passionnants. Crépuscule est la dernière pousse sur l'arbre impressionnant de son œuvre, et s'y intègre parfaitement. Comme il l'a fait dans des romans antérieurs tels que Âmes grises (2003), Rapport de Brodeck (2007) ou, par exemple Archipel du chien(2018), il expose à nouveau avec une extrême précision les machinations opportunistes qui se cachent derrière le comportement humain.
Même les personnes les plus pacifiques ont des arrière-salles obscures dans leur cerveau, écrit Claudel. 'Et il suffit de peu de choses, d'un bref moment de faiblesse, d'une coïncidence stupide, d'un simple mot, pour faire sauter les verrous de ces lieux infernaux et déchaîner des forces plus féroces que tu ne le soupçonnerais jamais.'
Petite étincelle
Le policier Nourio et l'adjoint Baraj font respecter la loi dans un petit village de montagne situé dans un empire quelque part en Europe. Ils n'ont généralement pas grand-chose à faire, mais un jour, le pasteur est assassiné. L'imam sent le coup de pinceau : on ne manquera pas de le reprocher à sa petite communauté. Car même si une minorité semble apparemment acceptée, la plupart du temps, il n'y a au mieux que de la tolérance, et il suffit alors d'une petite étincelle pour que l'union fasse place à l'inimitié.
Nourio, un homme maigre, hautain et sursexué, pense cependant que ce ne sera pas si grave et voit surtout une occasion d'améliorer son propre profil. Mais il ne faut en effet pas longtemps pour que des histoires commencent à circuler, qu'un porcelet étranglé soit pendu devant la porte de la mosquée et que les maisons des familles musulmanes soient barbouillées de sang.
Peu à peu, Nourio comprend qu'il est peut-être moins souhaitable de découvrir la vérité que de créer une "vérité réalisable" pour rétablir la paix. Si un bouc émissaire facile est disponible, pourquoi ne pas l'utiliser ?
Chaîne de violence
Alors qu'une chaîne de violence se met en place, le policier, qui lui-même n'a pas le cœur pur, découvre qu'il n'est lui aussi qu'un rouage d'une machinerie sur laquelle il n'a que peu de prise.
Dès la première page, il est clair que les choses vont mal tourner. Mais Claudel ne serait pas Claudel s'il n'y avait pas aussi la lumière occasionnelle qui perce l'obscurité. Ne serait-ce que grâce à ses personnages inoubliables, sa narration évocatrice et son style somptueux.
Traduit du français par Manik Sarkar
De Bezige Bij, €24.99